Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
        
 LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE afin de renforcer le lien social par des relations amicales. Pour réaliser ces desseins, la restriction de la vie sexuelle est indispensable S. Il est certain que celui qui aura fixé une grande part de sa libido sur le groupe sera tout à fait prêt à se dévouer pour celui-ci, donc à faire vivre et progresser sa société, alors que si la part essentielle de son attention est concen- trée sur une seule personne, il n'aura plus guère d'énergie à consacrer à la communauté. Il semble donc clair que ce que la communauté rejette, ce n'est pas la vie sexuelle en tant que telle, mais parce qu'elle recèle perpétuellement en elle une possibilité de lien fusionnel, celui, précisément, que recherchent les amoureux. Or, ce lien fusionnel, cet amour où toi et moi ne font qu'un, c'est celui qui reproduit le lien mère/enfant, celui qui existe réellement durant les neuf mois de la ges- tation et phantasmatiquement durant les premiers mois de vie. C'est-à-dire précisément le lien qui pourrait empêcher la société d'exister, qui serait porteur de mort pour elle. On peut se demander en effet, une fois de plus, pourquoi les amoureux, s'ils avaient trouvé l'amour parfait, total, fusionnel, s'ils avaient enfin trouvé l'objet totalement adé- quat — dont Freud nous dit qu'il est introuvable — ou même seulement un bon ersatz de celui-ci, pourquoi ils investiraient — et qu'investiraient-ils ? — dans la société. Imaginons un instant un couple qui aurait trouvé ce genre d'amour de façon durable ; celui où chacun repré- sente tout pour l'autre, où chacun comblerait toutes les aspirations, tous les désirs, tous les besoins de l'autre. Que représenterait la société pour un tel couple, et 5. Freud, Malaise dans la civilisation, P.U.F., p. 61. 172
        
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