Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE Je suis quant à moi tout à fait d'accord avec les cons- tatations de Bettelheim, mais j'en propose une interpré- tation toute différente. Je crois, en effet, que si la circoncision juive a une signi- fication religieuse essentielle, c'est parce qu'elle marque le tournant capital de la rupture définitive d'avec le passé, d'avec la Grande Déesse, d'avec tout ce qui, de près ou de loin est féminin : la circoncision est le symbole de la renonciation à la mère, au retour dans le sein maternel. Si, comme je l'ai expliqué au chapitre iv, l'interdit de l'inceste est bien fondateur de la civilisation, il me semble tout naturel que la Bible ait fait de la circoncision l'acte essentiel de la religion. C'est l'acte capital qui marque, non pas en paroles, dans dans la chair même du sujet, sa renonciation à la Mère et son identification au Père. Je ne puis qu'être en total désaccord avec Bettelheim lorsqu'il écrit : « En outre, alors que l'initiation à l'époque de la puberté fait de l'enfant un homme, l'alliance juive le rend à jamais un enfant, dont le Seigneur prendra soin, à condition qu'il observe ses commandements ". » Je crois que, loin d'empêcher l'enfant de devenir un adulte, la circoncision est justement destinée à l'empêcher de rester un éternel enfant, soudé à sa mère, et Bettelheim semble confondre là le rite social de passage de l'état d'en- fance à l'état adulte qu'est la circoncision à l'adolescence, avec le rite religieux et phantasmatique de renoncement à la mère, que marque la circoncision du huitième jour. Il est d'autant plus étrange de voir Bettelheim dire que 19. Bettelheim, Les Blessures symboliques, Gallimard, p. 188. 152
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