Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE celles des peuples les plus inventifs, les plus remuants et les plus agressifs qui soient ? Je ne le pense pas, et je crois que l'on peut s'interroger sur la raison de cette élimination totale de la Grande Déesse dans les religions de la Bible. Il me semble qu'au moins un début de réponse nous est fourni par la psychanalyse : si l'on compare ce que nous dit celle-ci avec ce que nous savons du passage de l'écono- mie de chasse/cueillette à l'économie agriculture/élevage, on voit apparaître un certain nombre d'analogies : pour que les hommes abandonnent l'état d'enfance, pour qu'ils accèdent à la civilisation, pour qu'ils goûtent les fruits de l'arbre de la connaissance, il fallait une coupure radicale d'avec la Grande Déesse, d'avec la Mère toute-puissante. C'est ce que nous raconte la Bible dans la Genèse, et c'est ce que dit Freud du déroulement de l'OEdipe. Dans le Paradis d'avant la chute, les humains vivent en symbiose avec la Nature, sans avoir à chercher leur nourriture, dans un état de parfait contentement. Mais ils goûtent du fruit défendu et savent alors distinguer le bien du mal, autrement dit, font connaissance avec la Loi (le « mal » étant le symbole de ce qui est interdit). A partir de là, c'en est fini de la béatitude ; chassés du Paradis terrestre, les humains doivent pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance. Ainsi doit faire chaque enfant : vivant d'abord en sym- biose avec sa mère, c'est celle-ci qui subvient à tous ses besoins. Mais le Père est là, porteur de la Loi, qui sépare l'enfant de sa mère et, en l'arrachant au Nirvâna, le met en état de devenir un jour un adulte autonome. Et, de même qu'il faut à l'enfant un père auquel s'iden- tifier, il faut à l'adulte un dieu auquel s'identifier. Comme 150
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