Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA GRANDE DÉESSE leur mère produit du maïs en se frottant le ventre, des fèves en se frottant les aisselles. Ils la tuent, et de son sang naît le maïs. En Nouvelle-Zélande, les Maoris disent que la Grande Déesse Pani-Tinaku (la Germinatrice) conservait dans son estomac des patates qu'elle tirait de son vagin. On voit, par ces quelques exemples, que partout dans le monde, avec des variantes somme toute légères, on re- trouve le même thème de la Grande Déesse créatrice, ori- gine de toute vie. Il semble donc que nous puissions tenir pour acquis que, pour nos ancêtres préhistoriques, de l'Europe jusqu'aux Indes avec Tanaïs, l'eau féconde ; du Japon à l'Amérique avec les excréments de la déesse comme origine de l'agri- culture, c'est bien une entité féminine qui a présidé à la naissance du monde et de l'humanité. Partout aujourd'hui pourtant, les dieux mâles domi- nent. Comment imaginer qu'une telle unanimité dans le Ciel puisse être autre chose que le reflet de la même una- nimité sur la terre, où l'homme domine ? Comment attri- buer au seul hasard le fait que c'est au moment où il invente l'agriculture que l'homme remplace la Grande Déesse par un dieu mâle ? Nous voyons donc, dans presque toutes les religions, succéder à la Grande Déesse des origines un couple de dieux où le dieu mâle domine. Mais il y a un groupe de religions qui pousse plus loin ce passage, et mène la succession à son terme : ce sont les grandes religions monothéistes méditerranéennes. Là, le dieu mâle règne seul, sans élément féminin à ses côtés. Est-ce une simple coïncidence, si ce sont justement ces religions-là qui sont 149

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