Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA GRANDE DÉESSE le dieu-lune Tsukiyomi qui est le meurtrier, et c'est Uke- mochi (la détentrice de l'aliment) qui est tuée. Mais, quelles que soient les variantes, c'est toujours Amaterasu qui tire les ficelles et qui, après le meurtre, envoie un dieu arranger les choses. Dans le « Nihonshoki », c'est Amenokumahito (Homme-Ours céleste) qu'elle envoie sur terre recueillir les victuailles sorties du corps d'Ukemochi, ainsi que les animaux créés par elle ; « il trouva le cheval, le boeuf, le cocon de ver à soie, ainsi que les six espèces de céréales (c'est-à-dire les cinq citées plus haut plus le panic) et emporta tous ces produits au Ciel. Amaterasu fut très satisfaite, et déclara : « Voici ce dont les hommes devront se nourrir pour vivre. » Il y a là un thème très intéressant, dont le développe- ment n'a pas sa place ici, mais qui est à rapprocher de tous les autres thèmes du Paradis perdu ; bien sûr, ni Susanô, ni Tsukiyomi .ne devront (ce sont des dieux) ga- gner leur pain à la sueur de leur front ; mais il est évident que les hommes qui viendront après eux seront bien obli- gés d'en passer par là. En effet, tant que Susanô était au Ciel, près d'Ama- terasu — la Grande Déesse, la Mère — le problème de la nourriture ne se posait pas. Mais lorsqu'il se révolte, lorsqu'il se sépare d'elle, le « bon lait » ne coule plus spontanément, il faut inventer le moyen de produire de la nourriture. Amaterasu, bonne mère, veille de loin sur son « nourrisson », et permet à une de ses sujettes d'inventer une nouvelle nourriture pour lui ; aussi sera-t-il nourri sur terre (équivalent de : après la naissance) comme il avait été nourri au Ciel (c'est-à-dire pendant la gestation) : sans nul effort. Et en effet, c'est ainsi que cela se passe pour le nourris- 147

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