Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE bienveillance de la vie des hommes " », et c'est par le biais d'une autre déesse, à laquelle elle délègue ses pouvoirs, que la Grande Déesse permet la vie en créant la nourri- ture ; car si elle est bien à l'origine de toute chose, elle ne condescend pourtant pas toujours à s'occuper elle-même des détails. Il existe au Japon de nombreuses variantes de ce mythe de l'origine de l'agriculture ; c'est ainsi que, suivant les diverses traditions, c'est tantôt la déesse Ogetsu, tantôt Ukemochi, tantôt d'autres, qui extraient de leur corps ce qui deviendra la nourriture des hommes. Mais toujours, la productrice est tuée avant que la valeur de ses dons ne soit reconnue, et c'est un être mâle — dieu ou entité mythologique — qui recueille les aliments et les cultive avant que les hommes ne prennent le relais : si c'est une déesse qui a créé les aliments, c'est un dieu qui les a fait fructifier. Ainsi, pour le « Kojiki », c'est un dieu, Susanô, qui, après avoir été expulsé du Ciel pour mauvaise con- duite, va chez la déesse Ogetsu et lui demande à manger. Celle-ci lui donne alors des aliments qu'elle tire de sa bouche, de ses narines et de son anus. Susanô, croyant que ta déesse lui faisait manger des ordures, la tue. Alors, « de la tête de la victime surgit le ver à soie, de ses yeux, le riz, de ses oreilles le mil, de son nez le haricot, de son sexe le blé et de son anus le soja. Ces produits furent recueillis et cultivés par le dieu Kami- musubi " » . Pour le « Nihonshoki », ce n'est pas Susanô, mais 16. Atsuhiko Yoshida, « Les excréments de la Déesse et l'ori- gine de l'agriculture », Annales, N° 4, 1966. 17. Yoshida, op. cit., p. 719. 146
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