Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA GRANDE DÉESSE civilisations, avec des explications et des modalités diffé- rentes, n'en imaginent pas moins une Grande Déesse comme Créatrice de l'humanité ; et même un grand nom- bre d'entre elles voient dans ses excrétions l'origine de l'agriculture, c'est-à-dire l'origine de la vie telle qu'elle existe depuis la coupure du Néolithique. Autrement dit, après avoir créé les dieux, puis les hom- mes, la Grande Déesse devait encore donner l'agriculture aux humains, c'est-à-dire le moyen de ne plus être les esclaves de la nature et donc — si on se souvient que Grande Déesse et Nature sont une seule et même chose - de nier sa propre toute-puissance. L'aire culturelle qui donne les excrétions de la Grande Déesse comme origine de l'agriculture est très vaste, « couvrant, comme le dit Georges Dumezil, l'Océan et le Nord-Ouest américain, soit le champ que Hultkrantz avait reconnu pour le thème d'Orphée ». Les excréments de la Déesse comme origine de l'agri- culture se retrouvent au Japon, en Nouvelle-Zélande, chez les Indiens d'Amérique entre autres, et donc en des lieux géographiquement fort éloignés. Dans toutes ces régions, la Grande Déesse est conçue à la fois comme origine de toute vie et comme souveraine : si des dieux l'accompa- gnent, ce n'est qu'en tant que subalternes. Par exemple, voici ce que rapporte Atsuhiko Yoshida des mythes japonais : « Amaterasu exerce du haut du Ciel son gouvernement, disposant à son gré du service d'autres dieux et n'interve- nant dans les événements d'ici-bas que par personne inter- posée. Cette souveraine transcendance de la Grande Déesse ne l'empêche pourtant pas de se préoccuper avec 145

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