Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE répandre sans trêve l'eau fécondante à la surface de la Terre. Or les Danaïdes, dans la légende grecque, n'ont plus rien à faire avec Tanaïs, et sont les filles d'un dieu : Danaos. La légende grecque, écrit Przyluski « les rattache à un héros/père, Danaos. Le changement de sexe du personnage est sans doute une de ces déformations que subissent les mythes quand ils passent d'une société gyné- cocratique dans un milieu où l'organisation de la famille est différent 4. » Nous voyons là un des modes de passage qui permettent de substituer un Dieu barbu à la Grande Déesse : jusque- là, c'était elle — et à travers elle les femmes — qui était la maîtresse de la vie par le truchement de l'eau fécon- dante ; mais il suffit de transformer Tanaïs en Danaos, pour que le pouvoir change de titulaire et de sexe. Désor- mais, les Danaïdes ne sont plus que des filles, et, comme telles, soumises à l'autorité paternelle : elles n'ont plus que par délégation masculine le pouvoir sur l'eau créatrice. Pendant toute cette période d'ailleurs, le pouvoir appar- tenait tantôt à l'élément masculin, tantôt à l'élément fémi- nin, la primauté n'était pas toujours bien précisée encore. Car si dans le groupe Danaos/Danaïdes, le pouvoir appartient sans conteste au Père, dans le couple Cybèle/ Attis, c'est encore Cybèle (qui s'apparente à la Grande Déesse) qui est l'élément dominateur. Comme le dit Cu- mont : « Dans le couple Cybèle/Attis, la première place appartenait à la femme, souvenir d'une époque où régnait le matriarcat 5. » 4. Przyluski, op. cit., p. 27. 5. Cumont, Religions orientales, p. 45. 136