Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA GRANDE DÉESSE tout procède : tout ce qui existe, tout ce qui pourrait exister un jour, et même éventuellement ce qui ne pour- rait pas exister. Il y a, à travers les civilisations qui s'étendent de la Méditerranée aux Indes, de l'Irlande au Danube et au- delà, pour différentes qu'elles soient, des conceptions très proches en ce qui concerne la Grande Déesse. Si nous prenons, par exemple, l'assimilation faite par tous les peuples de la Grande Déesse avec l'eau (que ce soit sous la forme de mer, de lacs, de grands fleuves), nous voyons, dans leurs récits légendaires, comme à travers leurs rites ou religions, que la Grande Déesse est, comme l'eau, à l'origine de toute vie, alors que la sécheresse signifie mort. L'identification de la fécondité et de l'eau est d'ailleurs naturelle, et ne fait que renforcer l'obscur souvenir que nous avons de notre gestation dans un milieu liquide, qu'il s'agisse de notre gestation individuelle dans le ventre ma- ternel, ou celle de l'humanité dans la mer. Aussi ne sommes-nous pas étonnés de voir les langues et les légendes confondre les deux choses : Grande Déesse et grands fleuves. Aux Indes, par exemple, le fleuve mythi- que Gangâ tombe dans un lac mystérieux d'où sortent toutes les eaux terrestres ; dans l'Avesta, Ardvi est un fleuve d'où sortent toutes les eaux du monde. Dans les deux cas, aux Indes comme en Iran, la Grande Déesse et le fleuve ne sont qu'une seule et même chose. Et nous pouvons bien comprendre cette assimilation, lorsqu'on sait à quel point les fleuves sont source de vie, d'échanges, de richesse. De nos jours encore, c'est le long 133

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