Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
        
 LA PHANTASMÈRE Nous trouvons donc, réunies en une seule personne, la femme, deux entités qui, pour avoir de nombreux points communs, n'en sont pas pour autant superposables : d'une part, nous avons la mère de nos premiers mois de vie, vécue comme toute-puissante, comme source de tout ce qui peut nous arriver de bon ou de mauvais, comme tenant entre ses mains notre vie et notre mort et qui, pro- fondément enfouie dans notre inconscient continue à nous imposer sa loi : c'est la Phantasmère. D'autre part, nous avons les femmes, c'est-à-dire des êtres humains, avec des limites humaines, et qui sont aussi des mères, c'est-à-dire des personnes qui ont, par rapport à leur nourrisson, les pouvoirs de la Phantasmère, mais qui n'ont aucune raison, une fois celui-ci un peu plus âgé, de continuer à tenir ce rôle. Rôle qu'elles devraient aban- donner au plus tôt, et qu'elles ne désirent d'ailleurs géné- ralement pas assumer. Ce n'est pas en refusant d'être des « Phantasmères » qu'elles seront de moins bonnes mères, au contraire ; c'est ce qu'exprime, à mon sens, Winnicott lorsqu'il parle d'une mère « suffisamment bonne » comme étant souhaitable pour l'enfant, et non d'une « très bonne mère » . Une mère « suffisamment bonne » ne prétend pas à la perfection, ne pense pas pouvoir « tout faire » et s'efforce de détruire — aide son enfant à détruire en lui — l'image de la mère qui peut tout. Détruire l'image de la mère omnipotente, c'est détruire la Phantasmère et non pas la mère ; mais c'est un acte qui reste impossible tant qu'on n'a pas pris conscience que l'une et l'autre ne sont pas une seule et même chose. Cette prise de conscience n'étant pas faite encore, nous 123
        
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