Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA PHANTASMÈRE l'aiguille, avec ses étapes de fabrication précises, suivies, logiques, reste sans doute l'apanage des hommes '. » Si j'ai cité un peu longuement L. R. Nougier, c'est qu'il offre un bon exemple de rationalisations, c'est à-dire de constructions de forme rationnelle, mais qui sont des défenses destinées à empêcher le refoulé de resurgir. Ces rationalisations sont quelquefois fort bien construites, quelquefois franchement mauvaises, révélant alors l'impos- sibilité pour le sujet de maîtriser l'affect qui les sous-tend. Celles de Nougier sont médiocres, car il est évident qu'il ne sait rien du fait que les tâches féminines aient été, ou non, subalternes à l'Acheuléen. (Comment le saurait-il ?) On ne s'explique pas bien non plus pourquoi le travail artisanal de l'aiguille, trop précis, suivi et logique pour les faibles capacités intellectuelles féminines, était l'apa- nage des hommes au Solutréen, alors qu'il est celui des femmes actuellement. Le cerveau féminin a-t-il changé, ou la couture est-elle devenue illogique ? L. R. Nougier, il est vrai, a une sorte d'impression confuse que quelque chose ne va pas dans sa propre tête lorsqu'il écrit : « Il reste dangereux de vouloir expliquer le passé et surtout un passé aussi vertigineusement lointain par un présent, fût-il ethnographique 8. » Ces quelques citations — on eût pu en donner bien davantage — montrent comment s'opère, parfois de façon inconsciente, l'infériorisation des femmes. Ce que je vais essayer de montrer à présent, c'est que cette infériorisation n'est ni le fait du hasard, ni due à une 7. L. R. Nougier, op. cit., p. 26. 8. L. R. Nougier, op. cit., p. 39. 111

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