Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LA PHANTASMÈRE les routes et font des travaux aussi durs que les hommes. Au Tibet, le travail que les femmes fournissent est égal à celui des hommes. Les fardeaux à transporter sont tirés au sort : chaque porteur ou porteuse détache une jarretière qui tient ses hautes bottes de feutre et la jette à terre, mêlée à celle de tous les autres. Le chef du village prend au hasard une jarretière après l'autre, et la jette vers les fardeaux. Chacun doit « se charger du ballot sur lequel est tombée sa jarretière 4 . Ces quelques exemples suffisent pour montrer que l'idée que les femmes de l'Acheuléen doivent à leur faiblesse physique le fait d'être cantonnées dans des tâches légères est difficilement défendable. Mais L. R. Nougier continue : « La femme, paysanne et potière du Néolithique, la femme de la protohistoire et de l'histoire doivent souvent leur condition sociale subal- terne à cette lente, longue et obscure spécialisation des tâches ébauchées à l'Acheuléen, voici plusieurs centaines de millénaires'. » En contre-écho, Margaret Mead répond : « Dans toute société connue, se manifeste chez l'homme le besoin d'ac- complir. Ils peuvent faire la cuisine, tisser, habiller des poupées ou chasser l'oiseau de Paradis, si ces activités leur sont réservées, alors toute la société, femmes et hommes, les considère comme importantes » Autrement dit, ce qui valorise les hommes, c'est qu'ils accomplissent des tâches valorisantes, et ce qui valorise les tâches, c'est qu'elles sont accomplies par des hommes. Et ce qui les valorise tous deux — tâches et 4. Alexandra David-Neel, Femmes du Tibet. 5. L. R. Nougier, op. cit., p. 26. 6. Margaret Mead, L'Un et l'Autre Sexe, p. 148. 109
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