Memento - Les EMI

42 Ř La Recherche | MARS 2010 Ř Nº 439 ŻǼ*_(w=(` ( $( Y h`{ F(` ( ȅ ɰ > savoirs yaitdes lésionsdans le cortexoudans le réseau lui- même. L’état végétatif est donc considéré comme un syndromededéconnexion. En revanche, en état de conscience minimale, certaines zones du cerveau sont encore actives. Quelles sont ces zones encore actives ? S.L.: Onnepeut répondre clairement à cetteques- tion.Dans l’état végétatif,l’informationarrive du thalamus jusque dans les aires corticales primai- res * , mais elle ne va pas plus loin. En conscience minimale, elle va plus loin mais pas de manière permanente : les personnes semblent avoir de temps en temps des bouffées de conscience comme cela se produit chez les déments. Nous avons observé en 2006 qu’une patiente anglaise déclarée en état végétatif activait certai- nes zonesde soncerveauquandon lui demandait de s’imaginer jouer au tennis, ou de se déplacer dans sa maison : elle activait les mêmes zones qu’unepersonneconscientequi s’imagineaccom- plir ces deux actions. Elle était donc consciente. Depuis cette expérience,nous avons constatéque dans 40% des cas les patients diagnostiqués en état végétatifmontraient en réalité des signes de conscience. Mais il s’agit d’une conscience mini- male et fluctuante, ce qui rend l’examen difficile : parfois la personne répond à la commande, par- fois non. Et en général, elle réagit plus aux stimuli chargés d’émotions, ce qui peut expliquer que la famille observe des réactions que le médecin ne voit pas.Même si parfois la famille voit ce qu’elle a envie de voir et qui n’existe pas! En novembre dernier, on a découvert à la télé- vision française des images assez poignantes de Rom Houben, un Belge de 46 ans qui, après être resté prostré pendant vingt-trois ans, a finalement montré des signes de conscience. Que s’est-il passé ? S.L.: J’ai examiné Rom Houben il y a trois ans dans notre centre de Liège. Et, alors qu’il avait été déclaréenétat végétatif,donc sans signeextérieur de conscience, j’ai diagnostiqué qu’il était dans un état bien plus élevé que la conscience mini- male :soncerveauest actif et fonctionnepresque normalement, comme l’a révélé un examen par tomographie à émission de positons. Son état est prochedusyndromed’enfermement ou Locked-in Syndrome (LIS) * . Je ne l’ai ni sauvé, ni guéri, ni refait communiquer comme on l’a prétendu, maismon diagnostic a convaincu son entourage médical qu’il était toujours conscient.Et cela lui a donnéaccèsàdes soinsde rééducationappropriés. Comme je le disais plus haut, aujourd’hui on sait que la réponse à la commande simple n’est pas un test infaillible pour évaluer si la personne est consciente ou non. Comment faire, alors, pour détecter des signes de conscience ? S.L.: Nous utilisons désormais une approche à la commande couplée avec l’imagerie cérébrale: au lieudedemanderàlapersonnedebougerunbraset d’observer si elle le fait,onlui demandedepenserà uneactionetonobserveparIRMsisoncerveauréa- git.Nousavonsaussirecoursàunetechniqueporta- blepluslégèrequimesureparélectroencéphalogra- phie les potentiels évoqués cognitifs: on place un casque à électrodes sur le cuir cheveludes patients etonmesurel’activitéélectriqueducerveauquand on leur fait entendre certains mots. On a d’abord constaté que lorsque les gens entendent leur propre prénom, cela déclenche une onde P3 dans leur cerveau, même lorsqu’ils sont en état végétatif, ou qu’ils dorment. Il s’agit donc d’une réponse automatique et non d’un signe de conscience comme on l’espérait. En revanche, un prénomnon familier ne déclen- che aucune onde spécifique dans le cerveau. Donc, partant de ces constatations, nous avons imaginé un test où l’ondemandait à des patients en état végétatif et en conscience minimale et à des témoins de compter le nombre de fois où ils entendaient unprénomprécismais non familier dansune suitedeprénoms.Ornous avons observé une onde P3 chez les témoins et chez les patients en état de conscienceminimale très sévèrement atteints,maisnonchez lespatients enétat végéta- tif. C’est donc qu’en état de conscienceminimale le patient a compris et exécuté la commande. Et depuis, nous utilisons ce test car notre démar- che consiste à garder cette vision simpliste : si le cerveau d’un patient répond à la commande, alors c’est un signe de conscience. Êtes-vous sûr que de l’efficacité de ce test ? S.L.: Il afait sespreuves récemmentavecune jeune patiente de 23 ans hospitalisée dans le CHU de Liègepourunehémorragieaprèsunaccident vas- culaire cérébral. On m’a appelé pour me deman- der mon avis. En voyant les images de l’IRM, j’ai observé que la lésion était très étendue: elle tou- chait le tronc cérébral et le thalamus sans toute- fois atteindre le cortex.Mais la jeune femme était toujours dans le coma après un mois et demi et n’ouvrait pas les yeux. J’ai soupçonné un LIS com- plet, dans lequel les noyaux crâniens touchés empêchent même l’ouverture et le mouvement des yeux. Je pensais qu’elle était quand même consciente, et nous avons fait le test de comptage du prénom avec un casque à électrodes, et là j’ai >>> «On peut détecter la conscience dans le cerveau» *LE LIS (Locked-in Syndrome ou syndrome d’enfermement) désigne un état où les personnes sont complètement paralysées mais pleinement conscientes; elles ne peuvent communiquer avec l’extérieur que par le clignement des yeux. *LE CORTEX PRIMAIRE est composé des aires primaires et motrices qui traitent les informations liées aux mouvements et aux perceptions sensorielles. Entretien avec Steven Laureys

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